Elle s'en va et elle revient

Elle vous a manqué la petite Kasseroll ?
Ne vous inquiétez pas, vous lui avez manqué aussi.
Mardi j'avais horriblement besoin d'écrire.
Je m'étendrai pas sur un racontage intempestif de mon séjour normand. Il en ressort peu de choses intéressantes.  Ma belle mère ne m'a pas "cherchée". Fanny, ma demi soeur a fait "la fouteuse de merde" comme on dit, en faisant la commère "moi tu sais quand ton papa et maman parlent, j'entends tout, ma chambre est a coté, et ma mère elle t'aime pas, elle dit qu'on peut pas te faire une remarque et que dans la famille T. tout le monde est parfait" et autres variations. Parfois, certains soirs, j'avais envie de partir, de longer le jardin et passer par dessous la barrière au fond, pour accéder au grand verger derrière. Là j'avais envie de hurler a plein poumons. Hurler ma place de "pièce rapportée". Hurler le fait que je me sentais plus vraiment moi. Hurler le fait que jamais, au grand jamais je ne voudrais ressembler à ma belle mère, et me promettre que je ferai tout pour devenir son contraire.
Je ne hurlais pas. A la place je parlais pratiquement pas (alors que Nathalie, ma belle mère adoooooooooooooore les gens qui parlent sans arret), je ne mangeais plus. Je mentais tout le temps "ça va" ? me demande papa "impeccable !" répondais-je avec un grand sourire. "l'ambiance est bonne ?" (toujours du meme papa aux aguets) "oh oui oui je rigole bien !", avec un faux éclat de rire. Je mentais a papa, a moi meme aussi.
Le détail assez bizarre, fut le vendredi soir. Messes basses au diner, on m'interdit de débarasser. Les lumières s'éteignent. Un gateau plein de bougies apparait, derrière papa peste parce que son appareil photo s'allume pas. J'attends qu'il l'allumer. Il dit qu'il est cassé, les bougies fondent. J'attends, tout le monde attend, Romain, mon demi frère, dépose un petit paquet a coté du gateau. Puis Nathalie, Romain et Fanny font un compte a rebours "18... 17...16" Papa s'escrime sur son appareil photo. Je souffle. On applaudit. J'ouvre le paquet. Un collier. Le seul que j'aurais jamais, je suis pas une fille a collier, je suis très bracelets et boucles d'oreilles. Maman l'avait déja dit a papa. Fanny m'aide a mettre mon collier.
C'est marrant, je suis pas très clichés ou traditions mais dans les bons films américains on voit toujours le père grisonnant attacher au cou délicat de sa menue fille brune de 18 ans un collier de perles fines, lui meme.
C'est ma demi soeur qui m'attache le mien. Mon père est omnublié par son appareil photo, il a loupé quand j'ai soufflé les bougies, il a loupé un peu ma répétition des 18 ans.

Ne pas connaitre son père est horrible. Les divorces, les maladies, les aléas séparent beaucoup plus les enfants de leur père que de leur mère. C'est bete de se dire un jour "plus jamais je ne reverrai papa", surtout quand c'est pas la mort qui a frappé ce coup là. C'est encore plus bete de se dire "j'ai perdu papa, parce qu'on a perdu le dialogue", parce qu'on est fautif.
ça fait très morale a l'américaine, genre puritaine et bien pensante ce que j'ai dit là, mais c'est ce que je ressens. Je perds mon papa, un peu plus chaque jour. J'ai peur du moment ou le contact sera perdu, où on sera des vrais étrangers l'un pour l'autre. J'ai peur parce que je suis trop lache pour faire un mouvement, je trouve ça plus facile de le laisser partir sur sa nouvelle vie, avec Nathalie que de vouloir lui rappeller trop souvent que j'existe et que grace a maman, mon nom, en Normandy est forcément rattaché au mot "argent"

Comments

[bee]

jai lu ton (nouveau) blog attentivement. le style de ma kasseroll est tjr la, invariablement précis, à tel point qu'on a l'impression d'être dans la pièce (personnellement je salive près du gateau!). seule différence notable : tu me sembles blasée, ce qui est pour moi très perturbant. ma margotte combative ne doit pas perdre son courage, alors ressaisis toi et reste du bon côté de la force, là où l'on s'émerveille de la vie, qd tombe la neige ou surgit un fou rire inattendu, reste avec moi et ne pars pas avec ces tordus tristes qui ne profitent pas à fond de tout, je t'en pries ma margotte, fais çà pour moi.

[Djyandbi]

Ces situations ne sont faciles pour personne, et sont pourtant de plus en plus fréquentes. J'avoue avoir eu pour ma part les plus grandes peines à faire cohabiter ma fille et ma nouvelle compagne (pas Sandrine. Avant...) et ses enfants. Un peu comme ton père quoi. Par contre, ta conclusion est hative. Pourquoi perdre le contact ? Vous avez pris du retard dans votre relation, mais ça peut se rattraper...

[Amarena]

Tu n'as pas à culpabiliser, il est au moins aussi fautif dans cette perte de dialogue.
Cet éloignement du père et de l'enfant est bien souvent la conséquence des divorces. J'en sais quelque chose...
J'espère que ça n'a pas été trop horrible... Et bon anniversaire au fait! C'est vrai que ça fait très cliché, mais ça devait être très sympa quand même! Profite quand même de ces moments où tu es la "star".
Contente de te lire à nouveau en tout cas!

à plus!

[Forsythia]

N'inverse pas les rôles ... C'est lui le père, c'est toi "l'enfant" je veux dire, c'est quoi cette génération où les enfants doivent prendre les responsabilités des parents ? Comme si, c'était à nous de les résonner!